Altar en Montserrate

Altar en Montserrate

Cinéma du réel, mars

À la périphérie de Bogota, les voix de jeunes gens assassinés par l’armée semblent résonner encore pour leurs mères. Nicolás Rincón Gille procède ici avec le même alliage de rigueur et de sensibilité à l’œuvre dans les précédents films de son projet au long cours, Campo hablado, qu’il a défini comme « quelque chose qui se construit au moment où on le dit ». Le plus souvent off, les témoignages des mères construisent en effet une présence qui relève a priori de l’impossible. Une mère se souvient par exemple que son fils aimait reconnaître des formes dans les nuages, et l’image du film prend le relais de ses paroles. La réalité colombienne récente a brusqué l’imaginaire oral traditionnel sans pour autant le faire taire : il s’adapte, invente une communication avec les « âmes bénies » de ceux dont les croix de bois, plantées sur des tombes aux restes incomplets, ne portent que les dates de décès. Les fragments de vie quotidienne des mères, ciselés dans la durée brève du film, sertissent avec force l’évocation des « baisers glacés » que les fils leur adressent au bord du sommeil. En-deçà du surnaturel, mais au-delà de la superstition, un dialogue s’ébauche, que l’écoute attentive du cinéaste prolonge avec une infinie tendresse. Le carton final, factuel dans son évocation de la violence d’État, vient amplifier vers le collectif et le politique ces délicats éclats individuels. (Charlotte Garson)

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