Altar en Montserrate

Altar en Montserrate

Las madres de Soacha


A finales del 2007 un joven de Soacha tomaba un curso de criminalistica cuando descubrió, en las imágenes expuestas por su profesor, la foto de su primo acribillado por múltiples impactos de bala. Conteniendo su emoción esperó el final del curso para indagar sobre el origen de las fotos. El profesor solo puede decirle que se trata de fotos de jóvenes muertos recientemente en Ocaña, Norte de Santander. Con la escasa información el joven llamó a su tía para anunciarle la mala noticia : hacía meses que ella buscaba a su hijo.

Antes de aquel día ella había logrado acumular detalles sobre la extraña desaparición de su hijo : se había ido con una promesa de trabajo bien pago a una región distante. No estaba solo. Durante los largos meses de búsqueda la madre pudo contactar a dos más que estaban en la misma situación. Lograron conocerse y establecer un lazo fuerte. La llamada de su sobrino la hizo retomar contacto con ellas para ir a pedir información a la fiscalía juntas.

Con esa información comenzaron a atarse cabos. Verán, sobre la pantalla del computador, las fotos de sus hijos acribillados. Sin tener tiempo para realizar lo que están viviendo, son embarcadas en la aventura de recuperar el cuerpo de sus hijos. Mientras esperan llorando en una pequeña sala se dan cuenta de que ya son cuatro.

Ese día un futbolista cae muerto en una cancha. La prensa nacional viene a cubrir el evento. Mientras espera por información un periodista observa los sollozos de este grupo de mujeres y, adivinando un evento extraño, viene a su encuentro. Después de escucharlas logra convencer a sus colegas de cubrir la noticia y toma con afán las fotos que las madres tenían de sus hijos. Tres de ellas se las dan, la cuarta no confía en la urgencia del periodista. Así, rápido y por azar el país entero aprende que un grupo de jóvenes de Soacha ha sido encontrado muerto lejos de sus viviendas. La noticia tiene impacto y parte de los periodistas decide acompañar las tres madres en la tarea de exhumación. Para protegerse, la cuarta madre decide hacer las cosas por su lado.

La llegada a Santader es caótica. Las madres tienen que descubrir otras fotos y recibir nueva información : sus hijos muertos, uniformados, son presentados como guerrilleros muertos en combate por el ejército. Las madres son incriminadas : ellas cubren delincuentes o, en el mejor de los casos, ignoran el camino peligroso que tomaron sus hijos. Sorprendidas, filmadas, ellas dan muestra de coraje. Hay bastantes detalles que les parecen extraños. Los jóvenes fueron asesinados pocos días después de haber desaparecido de Soacha. Ellas están convencidas de que se trata de un montaje. Pero su palabra no tiene el mismo peso que la del ejército.

Los medios se van a interesar cada vez más en la noticia. No es la primera vez que el ejército presenta como guerrilleros a la población civil. Existe, incluso, un nombre al interior de la institución para designar la práctica con la frialdad del lenguaje militar : falsos positivos. Para probar su eficacia en la lucha contra la guerrilla y ganar primas y ascensiones importantes, se inventan los combates. Las víctimas son siempre miembros de comunidades « poco importantes » en la concepción social que domina al país : indígenas, campesinos, indigentes, etc. Hasta allí, esta práctica era considerada como marginal por el Estado colombiano. Cuando se hablaba del asunto, se decía que era un artilugio para desmoralizar a las tropas e impedirles alcanzar su objetivo final (fijado por Alvaro Uribe a su llegada al poder en 2002) : eliminar a la guerrilla en el combate. Los primeros casos conocidos fueron presentados como casos sin importancia, producidos por la imaginación maquiavelica de un puñado de hombres. Pero, frente a las madres fue imposible utilizar el mismo argumento. Su acusación era masiva y, sobretodo, mediática.

Toda Colombia comienza a conocerlas como las madres de los falsos positivos de Soacha. En ese nombre sus hijos pierden por completo su identidad y son tratadas como enemigas directas del Estado. Sin embargo en pocas semanas se consolida un grupo de trece familias. Hoy son diecisiete, organizadas para luchar contra un práctica militar que arroja la horripilante cifra de 3750 personas asesinadas como si fueran guerrilleros. En todo el país se organizan y levantan movimientos para luchar por los derechos de esas familias e impedir que la práctica continué de forma impune. En términos judiciales, los procesos han sido pocos y la mayoría han sido burlados (los militares acusados se pasean como quieren desde su cárcel en Tolemaida).

Las madres de Soacha, sin embargo, siguen allí, luchando por lo suyos y para que todos los demás jóvenes no sean considerados como objetos de guerra.

Les mères de Soacha

 Fin 2007. Un jeune habitant de la localité de Soacha, suivant des cours de criminologie, découvre dans l’exposé technique d’un de ses professeurs, l’image en plein écran de son cousin, mort par balles. Contenant son émotion, il attend la fin du cours pour l’interroger sur l’origine des photos. Le professeur ne sait pas grand-chose, il s’agit d’une série de photos de jeunes morts à Ocaña, Santander (un département au nord de la Colombie, à la frontière avec le Venezuela). Avec ce peu d’informations le jeune téléphone à sa tante pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Cela fait des mois qu’elle cherche son fils.

Jusque-là, elle n’avait reçu que quelques détails sur la disparition de son fils : il était parti pour suivre une promesse de travail dans une région lointaine. Il n’était pas seul. Pendant les mois de recherche, elle est entrée en communication avec deux autres mères qui se trouvent dans la même situation. Elles ont appris à se connaître sans vraiment établir un lien fort. Mais l’appel de son neveu la force à reprendre contact pour, ensemble, aller demander plus d’informations à la fiscalia, l’organisme juridique qui s’occupe des disparitions.

L’information est suffisante pour établir des liens. Elles ont alors le terrible droit de voir, sur l’écran d’un petit ordinateur, les photos de leurs fils criblés de balles. Sans comprendre ce qui leur arrive, elles sont embarquées dans l’urgence d’aller récupérer les restes, sur place. Dans une petite salle d’attente, elles sont maintenant quatre à pleurer dans leur coin.

Ce jour-là, un footballeur reconnu est mort. Les médias nationaux sont là pour couvrir l’événement. Dans l’attente, un journaliste remarque les pleurs du groupe de femmes et, devinant un fait divers marquant, se met à enquêter. L’autopsie du footballeur prend du temps. Il réussit alors à convaincre ses collègues de se tourner vers le groupe de femmes et s’empare sans manières des photos des trois jeunes. Luz Marina, une des quatre mères, refuse. Elle n’apprécie pas l’urgence avec laquelle il agit. Ainsi, très vite et par hasard, le pays apprend que des jeunes de la localité de Soacha ont été trouvés mort, loin de chez eux. La nouvelle prend de l’ampleur et les journalistes décident d’accompagner les mères dans leurs démarches d’exhumation. La quatrième mère décide de faire les choses de son côté.

L’arrivée à Santander est quelque peu chaotique. Les mères n’arrivent toujours pas à réaliser ce qu’elles vivent lorsqu’une nouvelle information leur parvient. Elles découvrent de nouvelles photos. Leurs fils, portant un uniforme, leur sont présentés comme des guérilleros morts dans une embuscade de l’armée colombienne. Les mères sont incriminées. Elles couvraient des malfrats, ou, au mieux, elles ignoraient les activités de leurs enfants. Quelques membres de l’armée sont là pour le souligner. Secouées, filmées par les médias, elles font preuve de courage. Beaucoup détails clochent. Les enfants ont été tués à peine quelques jours après leur départ. Elles sont convaincues qu’il s’agit d’un coup monté. Mais leur parole ne vaut pas celle de l’armée.

Les médias, cependant, vont aller jusqu’au bout de l’affaire. Ce n’est pas la première fois que l’armée présente comme guérilleros des morts qui s’avérent par la suite issus de la population civile. Il existe même un nom pour ce phénomène : falsos positivos (faux positifs). Pour prouver leur efficacité dans la lutte contre la guérilla et toucher des primes importantes, plusieurs combats ont été inventés. Les victimes sont toujours des membres de communautés « peu importantes » dans la conception sociale qui domine le pays (indiens, paysans, indigents, etc.). Jusque-là, cette pratique est considérée comme marginale par l’Etat colombien. Les premiers cas connus ont été présentés comme des événements produits par l’imagination machiavélique d’une poignée d’hommes. Mais il n’est plus possible d’ignorer les mères. Leur accusation est trop massive et, surtout, médiatisée.

La Colombie commence à les connaître comme les «Madres de falsos positivos » (mères de faux positifs). Dans ce nom qui les regroupe, leurs enfants perdent toute identité. De plus, elles sont considérées comme des ennemies de l’État. En quelques semaines les mères deviennent treize. Aujourd’hui, elles sont dix-huit, organisées pour lutter contre la pratique militaire d’un Etat qui laisse le chiffre horrifiant de 3.750 personnes assassinées par l’armée comme si elles étaient des guérilleros. Dans tout le pays, des mouvements se forment pour lutter pour le droit de ces familles (la plupart ont dû payer elles-mêmes les exhumations, elles sont continuellement menacées, accusées de salir l’image des institutions du pays, etc.) et, de manière générale, pour s’opposer à la logique guerrière.

On peut sentir ici l’écho d’une problématique mondiale

Cinéma du réel, mars

À la périphérie de Bogota, les voix de jeunes gens assassinés par l’armée semblent résonner encore pour leurs mères. Nicolás Rincón Gille procède ici avec le même alliage de rigueur et de sensibilité à l’œuvre dans les précédents films de son projet au long cours, Campo hablado, qu’il a défini comme « quelque chose qui se construit au moment où on le dit ». Le plus souvent off, les témoignages des mères construisent en effet une présence qui relève a priori de l’impossible. Une mère se souvient par exemple que son fils aimait reconnaître des formes dans les nuages, et l’image du film prend le relais de ses paroles. La réalité colombienne récente a brusqué l’imaginaire oral traditionnel sans pour autant le faire taire : il s’adapte, invente une communication avec les « âmes bénies » de ceux dont les croix de bois, plantées sur des tombes aux restes incomplets, ne portent que les dates de décès. Les fragments de vie quotidienne des mères, ciselés dans la durée brève du film, sertissent avec force l’évocation des « baisers glacés » que les fils leur adressent au bord du sommeil. En-deçà du surnaturel, mais au-delà de la superstition, un dialogue s’ébauche, que l’écoute attentive du cinéaste prolonge avec une infinie tendresse. Le carton final, factuel dans son évocation de la violence d’État, vient amplifier vers le collectif et le politique ces délicats éclats individuels. (Charlotte Garson)

Luz Marina Bernal

Hace treinta años, cuando Luz Marina comenzaba a instalarse en Bogotá, un carro la golpeó. Con el choque, su embarazo de cinco meses tuvo que haber acabado. Los médicos le aconsejaron irse a su casa a esperar la expulsión del feto. Nunca sucedió. Nació a los seis meses, con algunas funciones vitales alteradas. Tuvo que ser mantenido vivo artificialmente. Para los médicos las secuelas eran demasiado importantes, el niño era muy frágil para mantenerse en vida. A Luz Marina le dieron quince días para reflexionar. Fue entonces cuando tuvo un sueño.

Una mujer desconocida se acercó para darle un consejo : había que llevarle una ofrenda al señor de Monserrate. Él decidiría el futuro del niño. A la mañana siguiente, Luz Marina subía para dejar en su cima un bebe en cera amarilla al lado del señor caído de Monserrate. Después fue al hospital a decir que podían desconectar a su hijo. Lo hicieron. Su hijo continuo respirando. Las dificultades comenzaron. A parte de su gran voluntad de vivir que le era propia, Fair Leonardo dependería en todo de su madre.

Sin embargo sus problemas físicos no le impidieron hacerse fuerte. Aún sin utilizar su mano izquierda y arrastrando un poco una de sus piernas, él ayudaba a todo su barrio en todo tipo de labor. La gente se acercaba a la casa para gritarle « gringoooo » por sus grandes ojos azules y se lo llevaba a trabajar. A Luz Marina le gustaba arreglarlo, escogerle su ropa, afeitarlo, peinarlo.

El 8 de enero del 2008, a sus veintiséis años, Luz Marina le ató los cordones por última vez. Después de una jornada sin saber de él, comenzó a buscarlo por todos lados : hospitales psiquiátricos, morgues, hasta el «Bronx» fueron escudriñados sin resultado. Repetidas veces fue a la fiscalía para dar parte de su desaparición, pero era difícil que la tomaran en serio. 

Mucho más tarde recibió una llamada de la persona que se ocupaba de su caso. Tenía que venir rápido. En su oficina, escuchó una lista de nombres y apellidos. La persona le había pedido que reaccionara si conocía alguno. La leyó hasta el final y le dijo : « ¿No conoce a ninguno ? ». Luz Marina estaba en otro mundo. Sí, conocía uno : el primero. Era su hijo. 

Para exhumar el cuerpo de su hijo tuvo que organizar un viaje a Santander como pudo, con su marido y su otro hijo. Los militares la esperaban para decirle que su hijo era un jefe de la guerrilla, muerto en combate el 12 de enero del 2008. En las fotos se podía ver que tenía un arma en su mano izquierda, la misma que no pudo mover en toda su vida… 

Luz Marina no puede hacer el duelo. Ella siente que su hijo anda por allí.
Una vez se le apareció en sueños para mostrarle cómo había sucedido todo. La llevó en moto por un paisaje que le quedó grabado en su cabeza. Él estaba nervioso. En medio del viaje Luz Marina fue despertada por uno de sus nietos. Trató de volverse a dormir para seguir con el sueño, pero no lo logro. Mucho después, en un viaje organizado al sitio en el que su hijo había sido asesinado, reconoció ese camino que le había mostrado en sueños.

Otra vez, el día de su entierro en Bogotá, su hijo vino a abrazarla. Antes de caer en un profundo sueño sintió, una a una, las emociones que vivió su hijo antes de morir. La última fue la del pánico : su hijo sabía que lo iban a matar. 

Estos encuentros se multiplican. Fair Leonardo, el niño que tenía que morir antes de haber nacido, no despareció por nada. Su madre siente que le dió una misión. Adonde vaya, su hijo la acompaña.

Luz Marina Bernal

Il y a environ trente ans, Luz Marina commençait à s’installer à Bogota lorsqu’une voiture l’a fauchée. Sur le coup, sa grossesse de cinq mois aurait du prendre fin. Les médecins l’ont conseillée de rentrer chez elle pour attendre patiemment l’expulsion de son nourrisson. Rien n’est arrivé. A six mois de grossesse il est né, plusieurs de ses fonctions perturbées. Il a dû être tenu artificiellement en vie. Les médecins se sont entretenus longtemps avec Luz Marina pour lui faire comprendre sa grande fragilité, expliquant des situations futures très compliquées. Ils lui ont donné quinze jours pour réfléchir. C’est alors que Luz Marina a fait ce rêve.

Une femme s’est approchée d’elle pour lui souffler un conseil à l’oreille : il fallait qu’elle amène une offrande au Seigneur de Montserrat. C’était à lui de décider du sort de son enfant. Le lendemain matin, elle montait la plus haute colline qui entoure Bogota pour déposer au sommet, auprès de la statuette d’un Jésus-Christ saignant, la réplique en cire jaune d’un bébé. Elle est allée ensuite à l’hôpital pour dire  qu’ils pouvaient débrancher son fils, son destin n’était plus entre ses mains. Ils l’ont fait. Son fils a gardé le souffle, mais les difficultés ont commencé à affluer. Mise à part sa grande volonté de s’accrocher à la vie, Fair Leonardo restait immobile, dépendant entièrement d’elle.

Malgré ses problèmes physiques, Fair Leonardo est devenu costaud. Même sans pouvoir faire usage de sa main gauche et en trainant une jambe, c’était lui qui donnait un coup de main dans son quartier pour les travaux lourds. Les gens s’approchaient de la maison pour crier « Gringooo ! », à cause de ses grands yeux bleus. Luz Marina aimait le rendre beau, choisissant ses vêtements, le rasant, le coiffant. 

Le 8 janvier 2008, à ses vingt-six ans, Luz Marina lui a fait ses lacets pour la dernière fois. Après une journée sans avoir de ses nouvelles, sa mère a démarré très vite des recherches. Les hôpitaux psychiatriques, les morgues, « le bronx » (ces rues malfamées de Bogotá où des indigents, la plupart accros aux drogues fortes, viennent pour se munir), ont été visités sans résultats. Elle s’est adressée aux organisations compétentes pour rendre officielle sa disparition. Bin plus tard, la personne qui s’occupait de son dossier à la fiscalía lui a demandé de venir au plus vite. Assise, de l’autre côté du bureau, la dame lui a lu une longue liste de noms et prénoms en lui demandant de l’arrêter si elle connaissait quelqu’un. Sans réaction, elle a finit par tous les nommer. «Vous connaissez aucun de tous ces noms ?». Luz Marina a pris du temps pour réagir. Oui, elle en connaissait un. Le premier. C’était son fils. 

Elle a du organiser de son côté le voyage à Santander pour l’exhumation de son fils, accompagnée de son mari et de son fils. Des militaires étaient là pour lui annoncer qu’il était le chef d’une milice de la guérilla, abattu lors d’un combat, le 12 janvier 2008. Sur les photos on pouvait voir l’arme d’un gros calibre dans sa main gauche, cette main qu’il n’avait pas pu bouger de toute sa vie. 

Luz Marina ne peut pas faire le deuil. Son fils est toujours là.   
Une fois il est venu dans ses rêves pour lui montrer comment ça s’était passé. Il l’a emmené en moto à travers un paysage qui s’est imprimé dans sa tête. Il était à l’arrière, nerveux.  Au milieu du voyage, elle a été réveillée par l’un de ses petits-fils. Elle a essayé de se rendormir pour rattraper le rêve. Sans succès. Plus tard, lors d’un voyage organisé à l’endroit exact où son fils avait été abattu, elle a reconnu le même chemin qu’il lui avait montré en rêves.

Une autre fois, le jour de son enterrement à Bogota, après avoir récupéré le corps par ses propres moyens, son fils est venu la serrer dans ses bras. Avant de tomber dans un sommeil profond, elle a senti une à une, toutes les émotions qui ont précédé sa mort. La dernière, avant le néant, a été une grande peur : son fils savait qu’il allait être assassiné.

Ces rencontres se multiplient et prennent sens dans un monde sillonné par la terreur. Fair Leonardo, l’enfant qui aurait du mourir avant de naître, n’a pas disparu pour rien. Sa mère sent qu’il lui a légué une mission. Où qu’elle aille, elle est sûre que son fils l’accompagne.  

María Ubilerma

María nació al norte de Boyacá. Desde sus diez años comenzó a ganarse la vida por su cuenta. Sin embargo, quedó vinculada a su madre, a la que visitaba frecuentemente en una casa que aún domina, en ruinas, el cañón del Chicamocha. Hace poco incluso, trató de vivir a su lado con sus hijos para olvidarse de Bogotá. Allí fue donde Jaime Estiven Valencia, su primer varón, vivió gran parte de su infancia. Él no tenía miedo de nada, a parte de las brujas. Su abuela le había enseñado a temerles. Apenas oscurecía, Jaime Estiven pedía a su madre que le acompañara con un silbido para que él la sintiera a lo lejos mientras caminaba. Las brujas terminaron por llevarse a su abuela y festejaron su victoria con risas que invadieron el gran cañón en todos los sentidos. Jaime Estiven pudo escucharlas. En Soacha, cuando volvió, no fue un joven citadino como los demás. Sabía que habían cosas que no podía entender y que tenía que respetar. Para afrontarlas contaba con la experiencia de los mayores.

Rápidamente abandonó el colegio, dispuesto a realizar cualquier trabajo. Un día volvió con una proposición que comentó con su madre. Le prometían buena paga pero tenía que dejar la ciudad por unos días. María quería saber más del asunto pero a su hijo no le habían dicho más. Después de pensarlo decidieron rechazar. Hoy en día María se reprocha  no haber indagado más la proposición. Jaime Estiven desapareció en un momento de penuria económica familiar. Era el 6 de enero del 2008.
Dos días después, su hermana recibió una llamada corta de Jaime Estiven. Hablaba bajito, casi no se le entendía. Le dijo que estaba en Ocaña y que iba a volver pronto. De repente su celular le fue arrancado de las manos.

Mucho más tarde la fiscalía la llamó para decirle que su hijo hacía parte de un grupo caído en combate frente a la brigada móvil #15 del ejército Nacional, en Ocaña, el 8 de enero del 2008. Dos días después de su desaparición, Jaime Estiven había sido presentado como guerrillero y enterrado en una fosa común. Tenía dieciséis años.

Su hijo viene seguido a visitarla. Sus besos son fríos, “como cuando la lengua se queda pegada al frío de un helado”. Se queda un rato, a veces le habla, muchas veces la aconseja. Le dice que no pierda el tiempo visitando el cementerio. Es él quien vendrá a verla. A veces son sus hermanas quienes lo sienten llegar. María me enumera sus visitas con mucho cariño, aunque preferiría sentir que su hijo descansa en paz. Siente que algo está inacabado.

Al dejar la casa de María, un perro se hace de lado. Es el cachorro que Jaime Estiven dejó en la casa. No quiere entrar. Vive en la calle justo en frente de la casa. Jaime Estiven lo llamaba Hades, como el dios griego de los muertos. María prefirió cambiarle de nombre. Lo llama Uaz, que no quiere decir nada, pero es más enérgico y cómico. A veces Uaz va a la plaza central unas calles más allá, que sirve de terminal de rutas, para buscar a las personas que vienen a visitar a María. Las lleva luego frente a la puerta de la que no salió más su amo.

Maria Ubilerma


Maria est née au nord de Boyacá. Dès l’âge de dix ans elle a quitté ses parents pour gagner sa vie. Mais elle a gardé le lien avec sa mère, qu’elle visitait souvent dans sa maison dominant le début du canyon creusé par le fleuve Chicamocha. Un jour, fuyant Bogotá, elle a même essayé de s’installer à ses côtés avec tous ses enfants. C’est là où Jaime Estiven Valencia, le premier garçon de ses enfants, a vécu une grande partie de son enfance. Il avait peur de rien, ou presque. À côté de sa grand-mère, il avait appris à craindre les sorcières. Dès qu’il faisait sombre, il demandait à sa mère de l’accompagner par un sifflement auquel il répondait, au loin, pendant qu’il marchait. Les sorcières ont finit par emporter sa grand-mère. Elles ont fêté leur victoire : le jour de sa mort des rires ont parcouru le canyon dans tous les sens. Jaime Estiven les a entendues.  C’est pourquoi, à Soacha, lors de leur retour à Bogota, il n’était plus comme la plupart de jeunes. Il savait qu’il y avait plein des choses qu’il ne pourrait pas comprendre. Pour trouver son chemin, il avait besoin des aînés. 

Très vite il a décidé d’abandonner l’école. Prêt à faire tous types de travaux. Un jour, il est venu avec une proposition qu’il a partagée avec sa mère. Un montant important lui avait été promis s’il acceptait de quitter la ville pour un moment. Maria voulait avoir plus de détails mais Jaime Estiven n’en avait pas. Après quelques échanges ils ont décidé de refuser. María s’en veut aujourd’hui. Elle sent qu’elle aurait du creuser plus l’affaire. Jaime Estiven a disparu à un moment difficile financièrement, voulant certainement aider sa famille. C’était le 6 janvier 2008.

Deux jours plus tard, sa sœur a reçu un appel. C’était Jaime Estiven. Il parlait bas, d’une voix presque inaudible. Il a eu très peu de temps pour dire qu’il se trouvait à Ocaña, Santander. Son portable lui a été arraché des mains. 

Puis, un jour, l’affaire a éclaté dans les médias. Son fils faisait parti de ce groupe de jeunes abattus par la brigade mobile #15 de l’armée colombienne à Ocaña, le 8 janvier 2008. Deux jours après sa disparition, Jaime Estiven Valencia avait été présenté comme guérillero, puis enterré dans une fosse commune. Il avait seize ans.

Son fils vient souvent lui rendre visite. Ses baisers sont froids, « comme lorsqu’on colle sa langue sur un glaçon ». Il reste un moment, parfois il lui parle, souvent il la conseille. Il lui a dit de ne pas perdre trop de son temps en allant chaque semaine au cimetière. C’était plutôt à lui de venir la voir. Parfois ce sont ses sœurs qui le sentent venir. María me raconte tout ça avec beaucoup de tendresse. Mais elle préférait sentir que son fils repose en paix. Quelque chose reste inachevée. 

Lorsqu’on quitte la maison de María, un chien s’écarte. C’est le chien de Jaime Estiven qui refuse de rentrer. Il vie dans la rue, mais continue à être attaché à la maison. Jaime Estiven l’appelait Hades, come le Dieu grecque des morts. María lui a changé de nom. Elle l’appelle Uaz, qui ne veut rien dire, mais c’est plus vivant et comique. Parfois, Uaz va jusqu’à la place d’à côté pour chercher les personnes qui ne trouvent pas la maison de María. Il les amène devant la porte de son jeune maître.







Lucero Carmona

Sobre una esquina de la puerta cuelga un pequeño vestido de mariachi. Es azul cielo. Lucero se lo pone al menos dos veces por semana. Antes de mostrarme las fotos de su hijo, Omar Leonardo, me pasa su álbum de fotos como cantante. Elegante y maquillada, con grandes sombreros de todos los colores, siempre sonríe a la cámara. Pero sus ojos no mienten : la desaparición de su único hijo pesa en su mirada. 

Omar Leonardo fue un verdadero punk. Había viajado a los Estados Unidos acogido por miembros de su familia, jugó con la nieve, aprendió a hablar inglés e, incluso, se hizo mormón. Algunas fotos lo muestran con su cresta negra y una larga camisa blanca, el día de su bautismo, rodeado por hombres vestidos con camisas blancas de manga corta y pantalones oscuros. Pero el punk terminó ganando y volvió a Colombia para vivir a su manera, lo que Lucero siempre respetó.

Omar Leonardo no terminó su bachillerato. Prefirió coger su mochila e irse a caminar por el país. Para ganarse la vida se volvió artesano. Desplegaba una sábana delante de las universidades para exponer todas sus mercancías : brazaletes personalizados, collares en plata, camisetas estampadas a mano, casetes. Le daban suficiente para vivir. Un día cualquiera decidió instalarse en Medellín.
Todos los años, era la única certitud que tenía Lucero, Omar la llamaba en su cumpleaños. En el 2007, cuando dejó de hacerlo, tenía 26 años. La última vez que pudo hablar con él fue un 11 de agosto.
Una noche, mientras pensaba en su hijo, una mariposa nocturna entró de ningún lado para quedarse pegada en una pared de su salón. Un pequeño batido de alas probaba que Lucero no se la estaba imaginando. Un miedo inexplicable la hizo encerrarse en su pieza. Por la mañana encontró la mariposa en el mismo lugar. No se movía. Trató de hacerla mover con el mango de la escoba. Cayó muerta. Ese fue el primer signo.
Desde ese momento su hijo venía a visitarla cuando estaba sola. Ella escuchaba como caminaba en la cocina, como servía los platos en la mesa, como tomaba agua. Poco a poco se fue convenciendo : Omar Leonardo ya no estaba vivo.
Un día recibió una llamada de la fiscalía. Su hijo estaba enterrado cerca de Medellín. Ella se fue para tratar de traerlo sola. Llegó al cementerio y comenzó a golpear en cada una de las tumbas, preguntando si se trataba de Omar. Así llegó a una en la que estaba escrito « restos ». Súbitamente visualizó el horror que encerraba la palabra. Dudando, golpeo, pero su hijo no le dijo nada. Tuvo que aceptar lo que era evidente : era imposible recuperarlo sola. Volvió a Bogotá para esperar que se hicieran los debidos procedimientos. Finalmente se organizó un viaje oficial para realizar su reconocimiento y exhumación. Llegó de nuevo al cementerio. El sepulturero no había sido muy metódico con el registro de los cuerpos. Llegaron frente a la tumba en la que estaba escrito « restos » y la abrieron. Había un solo cuerpo y estaba entero. Era el de su hijo.
También lo acusaron de hacer parte de la guerrilla. Pero Lucero recordó su última llamada y el día exacto en que la hizo. Omar Leonardo había sido asesinado cuatro días después. La historia ya se conocía desde hace más de un año : Omar Leonardo es una de las 110 víctimas del accionar de la brigada 4a que operaba en el noreste de Antioquia. 

Lucero Carmona


Sur le coin de la porte pend un petit costume de mariachi. Il est bleu clair. Lucero le met au moins deux fois par semaine. Avant de me montrer les photos de son fils, Omar Léonardo, elle sort son album de présentation comme chanteuse. Soignée et hyper maquillée, arborant de longs chapeaux de différentes couleurs, tous très féminins, elle adresse un grand sourire à la caméra. Mais ses yeux ne peuvent pas mentir. La disparition de son seul fils pèse sur son regard. 

Lucero n’a jamais habitée à Soacha, mais dans un quartier annexe de classe moyenne qui peine à se maintenir. Il a été punk. Un vrai. Il avait été aux Etats-Unis pour rejoindre une partie de sa famille, jouer avec la neige, apprendre l’anglais et même, devenir mormon. Des photos le montrent avec une crête noire et dense, longue chemise blanche, le jour de son baptême, entouré d’hommes plus âgés, tous en petite chemise blanche et pantalon noir. Mais le punk qui habitait en lui a finit par gagner. Il est revenu en Colombie pour vivre sa vie à sa façon, choix que Lucero a toujours respecté. 

Omar n’a pas fini ses études secondaires. Il a préféré prendre son sac à dos et parcourir à pied la Colombie. Il s’est mis à l’artisanat pour gagner sa vie. Il dépliait un drap devant les universités pour exposer ses marchandises : bracelets personnalisés, colliers en argent, t-shirts, cassettes. Ça allait pour vivre. Á un moment donné, il a décidé de s’installer à Medellin, devant la grande entrée de l’université publique.

Toutes les années, c’était sa seule certitude, Omar téléphonait pour son anniversaire. En 2007, quand il a cessé de le faire, il avait 26 ans. La dernière fois qu’elle a pu parler avec lui c’était un 11 août.
Une nuit, pendant qu’elle pensait à son fils, un gros papillon noir est rentré de nulle part pour se coller dans coin du salon. Un petit battement d’ailes prouvait qu’elle ne rêvait pas. La peur l’a fait s’enfermer dans sa chambre. Le lendemain matin, en plein jour, elle a retrouvé le papillon au même endroit. Il ne bougeait pas. Lucero a pris tout son courage pour l’enlever du mur avec son balai. Il est tombé raide mort. C’était un premier signe.  
  
A partir de là, toujours quand elle était seule, son fils a commencé à lui rendre visite. Á la cuisine, elle l’entendait marcher, mettre la table, boire de l’eau. Petit à petit elle a eu la certitude qu’Omar Léonardo n’était plus vivant.

Un jour elle a reçu cet appel de la fiscalia . Son fils était enterré quelque part près de Medellín. Elle a préféré partir seule pour le ramener. Elle est arrivée au cimetière où son fils était censé être enterré, frappant de sa main chaque tombeau sans nom en attendant une réponse. Elle est arrivée à un tombeau où il était écrit « restes » et d’un coup, elle a visualisé l’horreur du mot. Hésitante, elle a frappé de même. Ce jour-là son fils n’a rien dit. Elle a du se rendre à l’évidence : il était impossible de le retrouver toute seule. À Bogota elle a dû attendre un temps. Finalement, un voyage officiel de reconnaissance et exhumation s’est organisé. Elle est rentrée au cimetière. Le fossoyeur n’avait pas été très clair dans le registre des corps. Ils ont fini par tomber sur le tombeau où il était écrit « restes » et l’ont ouvert. Il y avait qu’un seul corps. Il était entier. C’était celui d’Omar Léonardo.

Contexte

Depuis peu, la situation réelle de la Colombie commence à être connue (même par les colombiens des villes, bornés jusque là par les médias locaux). La guérilla n’était pas la seule et unique ennemie de la démocratie. Petit à petit, la logique paramilitaire s’est dévoilée. Et avec, ses alliés et stratégies. Aujourd’hui les liens obscurs entre la classe politique, la mafia et le comportement de certaines multinationales sont évidents. 

La logique paramilitaire est la logique de l’hyper capitalisme : l’homme vaut ce qu’il rapporte. Ces jeunes, ne valant rien, étaient achetés par l’armée au prix de 200.000 pesos par tête. Sachant que l’Etat payait 3’800.000 par guérillero mort en combat, le profit était considérable. Aujourd’hui, 3.500 cas ont été dénoncés (on estime qu’il s’agit juste d’une partie, la plupart des familles reçoivent des menaces et préfèrent garder le silence), ce qui a valu aux membres de l’armée colombienne un montant total de 13.300’000.000 pesos et aux rapporteurs de tête 700'000.000. Tout ça pour des jeunes seuls, handicapés, en rébellion… La seule entrave dans ces mathématiques de l’horreur ont été les mères. On attendait d’elles qu’elles restent muettes. Mais elles se sont rassemblées pour tenir tête. Quelques uns de leurs autres enfants ont été assassinés pour les faire dissuader. Elles ont continué. Finalement, à un certain moment, leur détermination à finit par mettre du sable dans la machine et les mathématiques de l’horreur ont déraillé.

Sauf, peut-être, pour l’ancien président, Alvaro Uribe (et l’actuel, Juan Manuel Santos, à l’époque ministre de défense). Niant ces énoncés, il a finit, sous pression, par les inviter dans un acte non officiel pour proposer la somme de 2'000.000 à chacune des 17 mères de Soacha comme compensation. Les mères ont été divisées. Quelques unes, prises en otage, ont finit par accepter. D’ autres ont refusé avec une indignation qui n’a pas été suivie par les médias. Elles se sont placées devant la maison présidentielle, voulant savoir combien coutaient les deux fils du président.
Au fond, ce qui est en jeu, touche de près n’importe quel autre pays. Il s’agit de savoir jusqu’où la logique économique ultralibérale présente en Colombie depuis les années quatre-vingt peut aussi remporter notre humanité. L’appât du gain va toujours de pair avec le besoin de survie : les sociétés sont ainsi divisées. Jamais nous nous sommes sentis aussi seuls.

Maintenant que l’Europe se trouve fouettée à son tour par les conséquences du néo-libéralisme, de vieux fantômes se sont réveillés en écrasant, une fois pour toutes, la conviction arrogante qui plaçait le reste de l’humanité dans son passé. Finie, la fable du progrès. Voici donc la peur. Pour fonctionner, le programme néolibéral en a besoin. Il faut arriver à faire oublier aux peuples qu’ils fondent une collectivité.

Je connais très bien ces mythes et fables. J’étais, dans une autre vie, économiste. Voici le contexte, nous disent-ils : vous êtes dans une boîte de disco à Rio de Janeiro qui va brûler. Il y a une petite fenêtre. Trois d’entre vous vont se sauver. Le reste… Alors, vous faites quoi ? Parmi les animaux, l’homme est la pire bête.

La peur est le moteur du chacun pour soi.

Mais pour savoir qu’on ne se trouve pas tous dans une boîte de disco au Brésil, il faut du recul. S’accorder le droit de jouer avec la réalité pour lui imposer un autre sens. Dans nos villes, éclairées de partout, endormies dans la monotonie des bruits repérables, nous avons la sensation de tout connaître. Rien ne peut nous surprendre. Les villes luttent contre l’obscurité pour nous faire oublier la peur. Les histoires qui la racontent sont ainsi associées à l’enfance. Notre éducation semble construite sur ce seul besoin : l’inconnu n’a plus de place dans notre mode de vie, nous pouvons maintenant devenir adultes avec l’assurance de tout pouvoir gérer. La science et la technologie sont vus comme des remparts.

À ce type de discours on oppose la religion, comme si l’homme ne pouvait choisir qu’entre l’arrogance rationnelle ou la servitude mystique (résumé dans cette confrontation qui semble dominer cette dernière décennie : capitalisme ou islam).    

Il est donc, très important, de balayer de la carte du monde tout ce qui peut se trouver au milieu, répondant à d’autres logiques et, surtout, se mettant de travers par rapport à une logique marchande qui demande avant tout l’homogénéisation. Les communautés paysannes de la Colombie sont un petit exemple.
      
Elles ont représenté le passé dont on voulait se libérer. La machine économique n’arrivant pas à les engloutir comme elle est censée faire, la violence a dû prendre le dessus. Depuis les années quatre-vingt, l’exode rural était plus une fuite qu’un bond en avant. Des armées paramilitaires, mises en place par des barons de la drogue qui ont engagé, entre autres, le savoir de Yair Klein , ont vu le jour pour combattre l’action de la guérilla. En réalité, grâce au soutien de l’armée et d’une grande partie de la classe politique, la population civile a commencé à encaisser.

Avec peu de confrontations directes, les paramilitaires ont eu comme cible toute une partie de la population civile qui était, à leurs yeux, alliée à la logique communiste : syndicalistes, représentants des associations paysannes et indiennes,  défenseurs des droits de l’homme...

Tous les membres d’un parti politique de gauche, Union Patriótica, ont été assassinés. Puis, avec le nouvel intérêt que suscitait les terrains agricoles dans le monde, les paysans ont été forcés à abandonner leurs terres pour pouvoir accueillir la production extensive des biocarburants et, aujourd’hui de l’exploitation minière.

Ces communautés paysannes, métisses, sont héritières de pratiques ancestrales mélangeant savoir indien, catholicisme peu orthodoxe (pour gagner des âmes les premiers évangélistes espagnols composaient avec) et rituels africains. De façon différente, en fonction des régions, l’inconnu avait une place dans le savoir populaire, une profonde obscurité était liée à la nuit, la peur n’était pas liée à l’ignorance.

Les récits paysans essaient de donner un sens à tout cela. Après tout, l’homme étant un animal parmi les autres (pas le pire), il occupe un lieu dans l’univers qui est tout aussi central que fragile. C’est aussi pourquoi, dès que la violence arrive, dès qu’un capitalisme débridée débarque, la culture paysanne est capable de lui fait face pour lui imposer un autre sens. Ce qui fait que, même au fond de Bogota, une famille qui a tout perdu, continue à résister. Voici pourquoi leur parole est si précieuse.
Je pense que leur résistance fonde un système cohérent qui est intéressant pour tous.  Dernièrement, le cinéma semble s’intéresser de plus en plus à ce type de sujet. Oubliés ces temps où « la crise du sujet » l’enfermait dans un jeu formel parce que toutes les thématiques étaient épuisées. Des films comme « Oncle Boonmee » de Weerasethakul éveillent la curiosité du public par le monde onirique de la culture thaïlandaise, de la même façon que « Tree of life » de Terrence Malick, se greffe dans la préoccupation mondiale qui implique la perte de sens lorsque tout devient économique (tout en étant, par opposition avec le film ouvert de Weerasethakul, complètement religieux et doctrinaire).
La peur qu’on ressent quotidiennement, depuis qu’on nous annonce la fin d’un état relatif de bien-être, son remplacement par le monde austère de la survivance, fait que nous n’avons pas de grande prise. Mais cette peur peut être vécue autrement dès qu’elle se confronte à d’autres systèmes de vie. Je pense que ce qui se passe dans un pays conflictuel comme la Colombie est important pour tous.

Pour moi, il ne s’agit pas de faire le portrait fermé d’une société particulière. Il s’agit de prendre ses éléments particuliers pour les rattacher à nos besoins le plus universels: la quête de sens. Le savoir populaire de la campagne colombienne peut nourrir le quotidien ailleurs.
Finalement le cinéma, d’autant plus le documentaire, ne sert qu’à mettre en place ces ponts.      

Contexto

La lógica paramilitar es la lógica del hiper capitalismo : el hombre vale lo que puede generar. Los jóvenes de barrios marginales, que no valen nada ni a nadie interesan, fueron comprados por el ejercito a 200.000 pesos por cabeza. Como el Estado pagaba 3'800.000 por guerrillero muerto en combate, la ganancia era considerable. Hoy, cuando se conocen 3500 casos (se estima que se trata solo de una parte, la mayoría de familias temen denunciar), se sabe que el ejército pudo recaudar un monto total de 13.300'000.000 de pesos y que quienes « cazaban a los jóvenes » ganaron 700'000.000.

El único problema que tuvieron las matemáticas del horror para cerrar sus cuentas fueron las madres. De ellas se esperaba que guardaran silencio. Pero se agruparon para resistir. Algunas volvieron a perder otros hijos, asesinados para disuadirlas. Pero continuaron. Finalmente, en cierto punto, su determinación comenzó a ser recompensada y lograron desvelar la máquina del horror con que el ejército alimentaba la guerra : comenzaron a ser escuchadas, sobretodo en el exterior.

En el fondo, lo que está en juego en Colombia es importante para el mundo entero. Se trata de saber hasta qué punto la lógica económica ultra liberal, presente en Colombia desde finales de los años ochenta, puede arrasar con nuestra humanidad. La insaciable sed de ganancia de unos siempre va a la par con la necesidad de sobrevivir de los demás : las sociedades se dividen. Nunca antes cada uno de nosotros se sintió tan solo (en cualquiera de los bordes que esté).

Conozco bien los mitos y fábulas del capitalismo. Fui, en otra vida, economista. Este es el contexto, nos dicen los expertos: están en una discoteca en Río de Janeiro que va a quemarse. Hay una pequeña ventana por la que podrán salvarse sólo tres personas. Entonces ¿ qué hace usted ? De todos los animales el hombre es la peor bestia.

El miedo es la base de un sistema que funciona cuando cada uno de nosotros se siente en competencia con todos los demás.

Pero para saber que la humanidad no se encuentra en una discoteca en Brasil se necesita distancia. Permitirse jugar con la realidad para imponerle otro sentido. En nuestras ciudades, iluminadas por todos lados, dormidas en la monotonía de ruidos constantes, tenemos la sensación de conocerlo todo, nada nos sorprende. Una de las principales funciones de la ciudad es hacernos olvidar del miedo, por eso luchan contra la oscuridad. Las historias que lo cuentan siempre van asociadas a una infancia inocente. Toda nuestra educación parece construida sobre esa necesidad : no hay lugar para lo desconocido, podemos llegar a ser adultos con la seguridad de controlarlo todo. La ciencia y la tecnología son presentados como nuestras grandes defensas.

A este discurso se opone siempre la religión, como si el hombre solo pudiera escoger entre una arrogancia racional o una servitud mística (lo que hoy en día resume la confrontación mediática : capitalismo o Islam).

Por eso el orden económico busca aniquilar todo lo que sea diferente, capaz de atravesarse a la lógica comercial que pide, ante todo, la homogeneización. La suerte de las comunidades campesinas de Colombia son un triste ejemplo.

Ellas representan, para las élites y gran parte de la clase media, el pasado del que se quiere escapar. Como la economía capitalista no logró atraer al campesinado a las ciudades (como lo preveía, entre otros el plan Currie de los setenta), la violencia tomó las riendas. Desde los años ochenta, el éxodo fue más escape que un salto hacia el futuro. Los grupos paramilitares, creados conjuntamente por capos de la droga, militares, terratenientes y políticos (algunos de los cuales eran todo eso a la vez) se crearon para combatir a la guerrilla. En realidad, gracias al apoyo silencioso de una parte del aparato estatal, la población civil se convirtió en su principal enemiga. Los campesinos tuvieron que abandonar sus tierras para dar paso a la explotación de bio carburantes y la minería.

Justamente estas comunidades campesinas, mestizas, son herederas de prácticas ancestrales que mezclan saber indígena, catolicismo poco ortodoxo y rituales africanos. En todas ellas, de manera distinta, lo desconocido tiene un lugar importante en el saber popular, la oscuridad profunda estaba asociada a la noche y el miedo no tenía nada que ver con la ignorancia (en total oposición a nuestra percepción citadina).

Los relatos campesinos tratan de dar un sentido a la avasallante marea de eventos a los que se vieron sometidos. Después de todo, el hombre es solo un animal como los otros (y no el peor) y ocupa un lugar en el universo que puede ser central pero es, sobretodo, frágil. Es por esto que cuando la violencia llega, cuando un capitalismo desbordado se vuelca sobre el campo, la cultura popular logra hacerle frente y trata de imponerle otro sentido. Eso es lo que permite que en pleno Bogotá, una familia que lo ha perdido todo continue resistiendo. Su palabra es su mayor tesoro. He pasado un tiempo en el campo colombiano y en los barrios periféricos de Bogotá para poder sentir lo que aquí escribo.

Pienso que la resistencia campesina funda un sistema coherente, profundamente rico para todos. Se trata de construir el retrato de una sociedad abierta que es cuestionada por la violencia pero que logra, a fin de cuentas, resistirle.